"La seule chose que l'on puisse prendre du paysage est une photographie,
la seule chose que l'on puisse laisser est l'empreinte de ses pas." Hamish Fulton

Zion Nat'l Park, Utah

Rares sont ces instants où la lumière semble se poser et caresser délicatement la matière. Hasard ou opportunité d'une rencontre entre le photographe et son sujet.

Le matériel

L'utilisation du médium photographique (chambre photographique) reste certainement le moyen le plus noble pour être le témoin des différents éléments et détails d'un paysage. Il donne la possibilité au photographe de faire corps avec lui pendant les différentes phases de réglage de l'appareil. Le photographe photographie au rythme de la lumière et non plus au rythme du temps. Par son format d'image restituée (du 4x5 inch au 8x10 inch), l'ensemble des détails de l'image apparaît clairement et précisément.

Le médium photographique permet d'effectuer plusieurs réglages (mouvements) dont les principaux sont : le décentrement et la loi de Scheimpflug (loi des plans conjugués). Dans le cas précis de cette prise de vue, seul le décentrement vertical du corps avant de l'appareil a été utilisé afin de cadrer le sujet comme souhaité.

Matériels utilisés : - Chambre Linhof Master Technika
  - Optique Schneider Apo Symmar 5.6 / 120 mm
  - Cellule Minolta IV F
  - Plan Film Fuji Velvia RVP

L'arbre rouge

Il fait partie, à n'en pas douter, des 5 plus beaux canyons des Etats-Unis. Zion Nat'l Park se situe au sud de l'Etat de l'Utah, non loin de la frontière de l'Arizona et du Nevada. Essentiellement constitué de roches calcaires et de grès, les canyons de Zion captent merveilleusement bien la lumière.

Cela faisait longtemps que j'envisageais de me rendre, pendant la saison automnale, dans ce parc pour tenter de dompter toute la quintessence des couleurs durant le mois d'octobre. Je ne serai pas déçu !

Tout commence par un réveil à l'aurore dans la petite ville de Hurricane à environ 55 kms de Zion Nat'l Park. Le temps est gris depuis 5 jours, conditions idéales pour photographier ce parc durant l'été indien. Très tôt le matin, il n'y a aucun touriste dans Zion, seulement des dizaines de photographes, qui comme moi, viennent se brûler les yeux tant le caléidoscope de couleurs est éclatant.

En 5 jours, j'ai appris à reconnaître les véhicules des photographes stationnés le long de la route et c'est tout naturellement que nous nous saluons. La plupart d'entre eux travaillent à la chambre photographique, un format de prise de vue idéal pour restituer toute la subtilité des détails de cette nature.

Je roule, à moins de 15 km/heure, sur la route de Zion Canyon Scenic Drive tout en regardant à droite et à gauche les arbres qui défient les parois rocheuses du canyon. Chaque jour les couleurs des feuilles des érables et des chênes changent. Verte au début jaune ensuite, elles virent maintenant à l'orange et pour certaines au rouge. Le pic de l'été indien est en train de ce produire !

Après avoir parcouru cette route plusieurs fois dans les deux sens, j'avise, au détour d'une courbe, un arbre rouge de l'autre coté de la Virgin River. Je m'engage à travers les hautes herbes pour atteindre la rivière. L'eau est glacée et je m'active pour la traverser pied nu. L'arbre rouge est maintenant à une trentaine de mètres devant moi un peu en hauteur.

Adossé à la paroi du canyon, l'arbre, un peu penché, s'enivre d'une belle parure rouge. Autour de lui, la roche noire façonne le contraste et au pied de l'arbre, le vent a, par endroit, couché les hautes herbes couleur or. J'installe la chambre photographique sur son pied et j'ajuste le cadrage sur le dépoli de la chambre. La lumière ambiante est diffuse à souhait, inondant le fond du canyon d'un rayonnement doux. Que de beauté dans un espace aussi isolé !

J'attends ! Car maintenant le vent s'est invité à la fête. Pas un vent violent mais suffisant pour faire vibrer légèrement les feuilles des arbres. Je l'entends venir du fond du canyon. Il se faufile à travers les feuilles des arbres avec une légère sonorité. Tantôt sur ma gauche, tantôt sur ma droite, il n'y a pas de répit. J'essaie de calculer sa venue pour que la pose photographique de 8 secondes ne soit pas troublée par le frétillement des feuilles.

Une heure que j'attends le moment idéal et seulement deux images "dans la boîte" ! Mais je ne suis pas sûr que certaines feuilles de l'arbre rouge n'aient pas bougées. Je suis aux aguets et voilà que le vent revient traverser l'arbre faisant crépiter les feuilles. Puis petit à petit les feuilles se stabilisent une à une. Je scrute l'arbre de haut en bas et, tout en appuyant sur le déclencheur, je retiens ma respiration en espérant que le vent ne vienne pas perturber cet arrêt sur image.

Dans quelques jours, les feuilles des arbres s'en seront allés et elles laisseront place, fin décembre, à la neige. Il faudra que je revienne durant la saison hivernale...

Octobre 2003

Disponible à la vente en tirage Cibachrome.

 

  
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